Après mon voyage en Suède et la partie de chasse au sanglier en Italie, il était temps de mettre la Maral à l’épreuve dans une partie plus raffinée et sur un tir à longue distance. En collaboration avec Browning, nous avons décidé de partir en Espagne pour une chasse au cerf.

Lorsque je suis arrivé début décembre, les températures étaient encore douces et la période de rut n’était pas terminée. Pour cette partie de chasse, je m’étais adressé à Luis Jaure, PDG de huntingspain.com, notre contact sur place. Avec Luis, nous avions jeté notre dévolu sur un territoire géré par German et Pedro, situé à environ 4 heures au sud de Madrid. Je tiens tout d’abord à remercier Luis pour son professionnalisme et son infaillible organisation, car cet article décrira principalement mon expérience avec la Maral Monte Carlo calibre 30-06 de Browning.

Mon voyage en Espagne

J’en étais à troisième partie de chasse avec la Maral. Jusque-là, je l’avais testée dans des conditions météo sévères en Suède. Tout s’était déroulé sans problème, le canon flottait toujours et le verrou glissait avec aisance. Le chargeur ainsi que le bouton de dégagement de celui-ci n’avaient montré aucun signe d’altération sous les températures négatives. À mon arrivée en Italie, j’ai appliqué une couche très fine d’huile sur la crosse et le garde-main. Après ce nettoyage rapide, elle était parée pour l’humidité ambiante et la pluie de Toscane. Comme je participais à une chasse au sanglier, mes mains étaient constamment couvertes de terre, et permettez-moi de vous dire que le sol toscan vous colle aux doigts comme ce tube de silicone 007. Au terme de la partie de chasse, j’étais honteux de montrer ma Maral dans un tel état. Elle ressemblait à un vieux bout de bois trempé dans la boue. Quoi qu’il en soit, de retour au cottage, je l’ai vite astiquée, puis je l’ai placée dans sa mallette de voyage. Direction l’aéroport, vol pour Madrid.

Me voilà donc dans la cabane de chasse en Espagne. Les températures tournent autour des 25 °C. Nous savons tous que si le bois n’est pas traité de façon appropriée, il commence à travailler ou à montrer des signes de dégradation. Cependant, la Maral était là, posée sur le couvercle de la mallette, me mettant au défi de lui en donner plus. Plus de torture ! C’est exactement ce que j’allais lui offrir.

Premier jour de chasse

Le lendemain, la chasse a débuté au point du jour. C’était incroyable d’entendre les cerfs de la région pendant leur période de rut. Avec Pedro et German, nous avons sillonné une partie de la zone, et j’ai vraiment été surpris par la quantité et la qualité de la faune. Pas une goutte n’était tombée de toute l’année, et il y avait énormément de poussière à cause de la chaleur. Une certaine tension était palpable au sein des animaux. Ils attendaient la pluie. Ça nous a terriblement compliqué la tâche. On en a bavé, les deux guides espagnols, l’équipe de tournage avec leurs lourdes caméras et leurs trépieds, et moi. Dès que nous approchions les cerfs à moins de 350 ou 400 mètres, ils nous repéraient et déguerpissaient. Notre objectif était de parvenir à un tir précis, à moins de 200 mètres, car j’avais une lunette de visée de grossissement 1,2-6. Après deux jours, les guides étaient réellement frustrés de toutes ces occasions manquées.

Il fallait prendre une décision. Ce soir-là, pendant le repas, j’ai annoncé : « Demain, on va tenter un tir précis… Entre 350 et 400 mètres ! ». German et Pedro en ont presque recraché la bière qu’ils avaient en bouche. Après quelques minutes, ils ont répondu : « Ce n’est pas impossible, c’est juste très compliqué ». J’étais conscient que je repoussais mes limites de beaucoup, mais je connaissais la qualité de la détente de la Maral. J’étais plutôt confiant. Elle et moi n’en étions plus à notre coup d’essai. Tous deux, nous avions fait quelques coups de maître lors des parties de chasse précédentes, et je nous sentais à la hauteur de ce défi.

Browning_blog_alberto_rizzini_cerf_espagne_chasse

Relever le défi

Le jour suivant, dès potron-minet, nous entamions donc notre troisième jour de chasse. Pedro et German avaient décidé de changer de zone et de profiter d’une petite clairière qui offrait une vue sur le flanc de la montagne. Selon leur expérience, la distance qui séparait cette clairière du versant variait entre 320 et 430 mètres. La seule chose que j’avais à l’esprit, c’était : « Pourquoi avoir dit ça hier soir ? ». Une fois sur place, l’équipe de tournage a installé tout le matériel. Ils étaient prêts à appuyer sur REC. German, Pedro et moi, nous scrutions la zone à travers nos jumelles. Le soleil brillait haut dans le ciel, et ses rayons nous frappaient directement. Nous ne pouvions pas bouger d’un poil.

La montagne baignait encore dans l’ombre lorsque Pedro a aperçu des femelles en mouvement. Il a attiré mon attention en me lançant de petits cailloux et m’a fait signe de me tenir prêt. Mon cœur a commencé à s’emballer. Je savais que je devais me calmer. J’ai fermé les yeux pour un instant, inspirant et expirant lentement et profondément. Puis je les ai rouverts. J’étais couché à même le sol, la Maral en appui sur mon sac à dos, mes deux coudes solidement plantés à terre et mes pieds assurant ma position. Ma lunette était au grossissement maximum de 6. German s’était déplacé pour me donner quelques indications sur les cerfs, car on pouvait maintenant en voir quelques-uns dans les parages. Je me suis frotté les doigts pour stimuler la circulation sanguine et en augmenter la sensibilité. Le point rouge était allumé. Même réglé au plus faible, il était trop gros pour cette distance, donc j’ai décidé de l’éteindre. Le cerf est apparu plus clairement dans le réticule. German m’a alors indiqué un superbe mâle de 14 pointes. Il se trouvait à 415 mètres de nous, descendant doucement la pente, précédé de toutes les femelles.

Il était si loin que même l’équipe de tournage peinait à le voir avec un objectif de 600 mm et un zoom numérique. Tant que le cerf n’apparaissait pas dans leur champ, je ne pouvais pas tirer. Nous devions patienter. Pedro s’était reculé et s’efforçait de leur indiquer l’emplacement de l’animal. Après quelques instants : « On l’a, on l’a ! ». Il n’y avait plus qu’à attendre que le cerf se rapproche. À 390 mètres, patience. À 380 mètres, j’ai déverrouillé l’arme. L’heure était venue. Il avançait lentement sans discontinuer. Intelligent, il veillait toujours à s’arrêter derrière un arbre ou un rocher capable de gêner la trajectoire de la balle. Quel stress ! À intervalles réguliers, German précisait la distance. Puis il a soufflé : « 360 mètres », m’a touché l’épaule et dit : « C’est maintenant ou jamais, mon ami ». Le moment était venu de rentrer dans l’histoire. Je ne pouvais pas le faire tout seul, le succès devait en revenir à toute l’équipe. De la main, j’ai serré la crosse pour éliminer la tension accumulée dans les doigts. J’ai ajusté ma position verticale tout en augmentant la pression sur la détente. Je me répétais : « Allez, Maral, fais-nous un tir précis ». Clac ! Puis, le recul. J’ai cligné des yeux. Avec une telle distance, j’ai eu le temps d’observer l’animal dans la lunette. Le point d’impact de la balle se trouvait un peu haut sur l’épaule. Le cerf a courbé l’échine, avancé d’un pas, puis il s’est effondré. German et Pedro ont poussé des cris et m’ont tapé dans le dos. J’avais reçu une telle dose d’adrénaline et de stress que mes oreilles bourdonnaient. J’étais complètement chamboulé, je n’ai pas su comment réagir. Sourire ? Rester sérieux ? J’ai décidé de recharger. Pendant quelques minutes, j’ai observé l’animal. Ensuite, je me suis levé et j’ai déchargé la Maral avant de l’embrasser. J’ai étreint German et Pedro. J’ai remercié l’équipe de tournage, puis nous nous sommes dirigés vers le cerf pour lui faire honneur.

Mon cerf

Un superbe mâle, un trophée de 14 pointes. Le résultat d’une parfaite connivence avec la Maral. Nous avons pris quelques photos, puis nous avons traîné le cerf rouge jusqu’à une route de montagne, non loin de là. Comme je devais retourner en Irlande le lendemain, nous avons décidé de prélever plusieurs morceaux de longe. Avec une partie, nous avons réalisé un carpaccio, et le reste a été frit à la poêle. Nous avons passé l’après-midi à discuter des trois dernières journées et de ce fameux tir. J’ai dû demander à l’équipe de tournage de rembobiner et de me le remontrer une bonne centaine de fois. Plus tard dans la soirée, j’ai fait nettoyer et emballer le reste du cerf. Le trophée a été préparé sur place, puis envoyé à mon domicile en Irlande. Il était temps de rentrer à la maison pour passer Noël en famille.

Avant de vous quitter, j’aimerais ajouter quelque chose. Un chasseur ne devrait réaliser un tir à longue distance que dans des circonstances extrêmes. L’essence de la traque ne réside pas dans la distance de tir, mais plutôt dans l’approche de la cible.