La perdrix grise au chien d’arrêt en Normandie

Publié le 27 décembre 2017
Auteur Vincent Piednoir
Puisque nous sommes déjà en décembre et que la saison semble toujours passer trop vite pour nous autres cynégètes, permettez-moi, à l’occasion de ce petit post, de ralentir un instant la course du temps, en évoquant le souvenir d’une agréable et très instructive matinée de chasse à laquelle j’ai participé… en octobre dernier, en Normandie.

Où en Normandie ?

Situé grosso modo entre Lisieux et Evreux, le Domaine de la Béhotière où elle s’est déroulée est surtout spécialisé dans la chasse du petit gibier ; ici, faisans, perdrix, lapins mais aussi bécasses – lorsqu’elles sont là, naturellement ! – peuvent être tirés à la journée ou à la demi-journée, sur un territoire d’environ 450 hectares, dont 300 de plaine et 150 de bois.

Tenu par James Prognon et sa femme Sonia – maîtres des lieux aussi compétents qu’accueillants –, le domaine propose en outre à ses clients de chasser seul ou en groupe, à leur guise : un avantage non négligeable lorsque l’on souhaite, comme nous ce jour-là, taquiner la perdrix grise au chien d’arrêt en plaine ! En effet, les puristes de cet art exigeant et délicat vous le diront sans détour : sauf exception, il est fortement déconseillé de pratiquer l’arrêt avec deux, voire plusieurs chiens simultanément, ainsi qu’il risque toujours d’advenir quand on se voit contraint de former des groupes où chacun est susceptible de chasser de façon différente. Et cela est d’ailleurs d’autant plus vrai si votre auxiliaire est jeune, ou peu expérimenté.

En route avec notre chien d’arrêt

Il est neuf heures : après un café pris au coin du feu dans le joli pavillon de chasse du domaine – pavillon environné d’immenses voilières où sont des milliers de faisans destinés, notamment, à la « recharge » –, nous voici face aux étendues de betteraves qui abritent les oiseaux convoités. Outre votre serviteur, le trio de choc est constitué d’Humbert et de son superbe setter irlandais, Kenny – protagoniste principal de ce bref récit. Agé d’un an et demi, léger et néanmoins très athlétique, Kenny, en bon représentant de sa race, a beaucoup de fond et il est spontanément capable de quêter loin alentour, jusqu’à 300 mètres : toute la difficulté sera justement pour nous de le laisser chasser, sans qu’il ne sorte jamais pour autant de la main…

Car, précisions-le d’emblée : l’intention de son maître n’est assurément pas de « faire du tableau », mais d’offrir à son chien les meilleures conditions pour travailler et exploiter au mieux ses dispositions naturelles. « Même s’il en est parfaitement capable, un chien d’arrêt n’est pas un retriever, il n’a pas à aller au rapport ; son job, c’est de bloquer les oiseaux, d’être sage à l’envol et, tout aussi important, d’être sage au moment du tir », estime Humbert, à juste titre.


De fait, si au cours des premières minutes ledit Kenny prit quelques libertés (phénomène dû à une excitation bien excusable !), un petit rappel à l’ordre a immédiatement suffi pour le faire quêter ensuite de façon magistrale – impressionnant, surtout chez un chien si jeune… Parcourant les betteraves, nous percevons aisément à quel moment il commence effectivement à remonter une émanation – un brin d’empressement contenu, un brusque changement de direction, la queue toute frétillante… Cependant, l’issue n’est jamais certaine, et je conserve à cet égard le souvenir d’un perdreau qui exaspéra visiblement le setter par l’inénarrable partie de cache-cache qu’il fit durer de longues minutes, et dont, au final, Kenny sortit tout de même gagnant.

Le travail du chien d’arrêt

Mais quel spectacle, alors, que de voir cet élégant animal à la robe rouge typique, la truffe haute, prenant et reprenant le vent avec une opiniâtreté sans faille, naviguant entre les voies laissées par des oiseaux rusés et volontiers piéteurs – démêlant, en somme, le réseau complexe des « sentiments » ! Et puis, que dire lorsque, figé comme une statue, sûr de lui, il cherche son maître du regard – que seules les petites billes noires de ses yeux brillent, pressantes, impérieuses ? Ce sont précisément ces instants-là que l’on goûte, et qui donnent leur sens et leur saveur aux efforts consentis.

Afin que Kenny acquière l’habitude de tenir fermement l’arrêt, nous n’épaulons et ne tirons qu’avec parcimonie, en nous gardant bien de le dépasser et de lui faire perdre ses précieux effluves : ainsi apprend-il à être confiant et à demeurer sage, même à l’envol – ce qu’il entend en l’occurrence très rapidement. Sur la quinzaine de perdrix bloquées lors de cette matinée, seules trois tomberont – quand le double, à peine, aura essuyé nos coups…


Il est vrai que le domaine entretient et maintient une belle densité d’oiseaux, condition indispensable pour confirmer un chien de la trempe de Kenny ; mais il est vrai, aussi, qu’au fur et à mesure de l’avancée de la saison, ces mêmes oiseaux développent d’autant leurs stratégies de défense, devenant encore plus méfiants et se laissant par conséquent plus difficilement bloquer, surtout lorsqu’ils se rassemblent en compagnies. Or, ce comportement « sauvage » oblige nécessairement le chien à redoubler de prudence et d’astuce : revenus sur les lieux en novembre, nous avons pu en effet observer ce phénomène, dont les véritables amateurs d’arrêt se réjouissent toujours au fond d’eux…

Vous avez vécu une expérience similaire ? Vous êtes un adepte de la chasse au chien d’arrêt ? Faites-nous part de vos impressions et conseils, en commentaire…

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