Les trophées de chasse : historique, catégorisation, cotation…

Publié le 18 janvier 2016
Auteur Vincent Piednoir
Avant que d’être, et ce depuis plusieurs années, un objet de décoration très prisé de nos intérieurs « design » (je parle ici de ces trophées en kit composés de carton, bois, fer… certes stylisés, mais oh combien aseptisés !), le trophée de chasse (du latin tropaeum, « action de mettre en déroute ») renvoie d’abord à la dépouille ou aux armes d’un ennemi vaincu que l’on plaçait jadis sur un tronc d’arbre élagué.

Symbole religieux, puis païen

Dominique Venner, dans son excellent Dictionnaire amoureux de la Chasse (Plon, 2000), consacre huit pages au culte des trophées. Il relaie le contenu d’une étude d’Olivier Le Bihan qui a montré que, dans l’Antiquité, « cette panoplie guerrière érigée sur le champ de bataille au soir des combats ‘‘avait moins pour vocation de célébrer la victoire que de rendre grâce, en la dédiant, aux divinités tutélaires qui l’avaient favorisée.’’ » Et de poursuivre : « Quand les tribus chasseresses d’autrefois plantaient sur un pieu la tête d’un cerf conquis de haute lutte, elles honoraient autant l’animal divin que le soutien des forces supérieures de la forêt. »

La tradition du trophée perdure aujourd’hui encore. Il ne s’agit plus d’exprimer sa gratitude envers une divinité, mais de conférer, à une chasse emblématique, une place particulière – en inscrivant son souvenir dans une pleine et entière matérialité. Le trophée épouse alors la fonction d’un puissant support de la mémoire cynégétique. Il est la trace tangible d’une chasse jugée exceptionnelle, le témoin d’une histoire toujours singulière que l’on a à cœur de raconter, de faire revivre, de transmettre. La dimension esthétique de l’objet mise à part, sa valeur est intimement liée à la persistance d’un passé censé perdurer, tel un symbole, d’une génération à l’autre.

La plupart des rois se sont enorgueillis de posséder les plus beaux trophées – preuve, aux yeux de tous, qu’ils étaient capables de braver les plus beaux spécimens du monde sauvage. De nos jours encore, un pavillon de chasse digne de ce nom peut-il s’exonérer de disposer d’une salle des trophées conçue dans les règles de l’art ? Au XXe siècle, la taxidermie s’étant largement démocratisée, il n’est pas rare que le grand-père chasseur expose ses plus belles prises au salon, et accroche, au-dessus de la cheminée, telle tête de sanglier ou tel gibier ayant particulièrement compté dans sa vie de nemrod… Cette pratique, en effet, relève de l’affect pur et défie, depuis longtemps, la rigidité des appartenances sociales.

Les différentes catégories de trophées

S’il s’agit bien à chaque fois de la dépouille d’un animal, celle-ci prend des formes diverses. Les trophées sans doute les plus impressionnants représentent l’animal dans toute sa vérité, sa beauté : ce sont ceux dont le corps est entièrement naturalisé. Les musées, châteaux et sociétés de chasse nous donnent à voir l’admirable travail des taxidermistes qui font d’une perdrix, d’un renard, d’un dix-cors, d’un lion ou d’une tête de buffle un objet absolument unique, mêlant science et esthétique. D’autres trophées, non moins imposants, magnifient le bois des cervidés (appelés aussi « massacres »), les défenses et les grès de sangliers, celles de l’éléphant. Dans tous les cas, l’intention est de rendre hommage à l’animal. La tentation du fétichisme est en effet étrangère au véritable amateur de trophées. Certains consacrent une part non négligeable de leur vie (et de leur fortune !) à la quête du trophée à leurs yeux idéal. Cette patience, cette passion de l’exceptionnel fait aussi pleinement partie de la chasse…

La cotation d’un trophée

Magnifique objet (de convoitise, parfois !), le trophée n’échappe pas à la spéculation. Il convient alors, comme pour la chasse en général, de respecter les règles mises en place pour que sa cotation ne devienne pas la motivation exclusive du tireur. En France, l’Association Nationale des Chasseurs de Grand Gibier (ANCGG) prévient, en introduction de son travail au sein de la commission de la cotation, que « l’appréciation des trophées ne doit pas être considérée comme une incitation à prélever systématiquement les plus beaux animaux afin d’établir des records. » Toutes les cotations sont effectuées en stricte conformité avec les instructions générales et particulières du système de mensuration défini par le Conseil International de la Chasse et de la Conservation du gibier dans son ouvrage de référence Les trophées de chasse du monde, publié en 1981. Les cotations de tous les trophées sont exprimées en points, dits « points C.I.C. », obtenus au moyen d’un examen minutieux des mensurations.

Exemple de fiches de cotation pour le mouflon, le daim, le sanglier, le chevreuil, le cerf, le chamois et l’isard : http://www.ancgg.org/commission-fiches.asp

Réaliser soi-même un… « massacre »

Bien entendu, la réalisation d’un trophée est difficilement accessible au profane, et nécessite, par conséquent, l’intervention d’un taxidermiste expérimenté – surtout dans le cas d’animaux « imposants ». Reste qu’il est tout à fait envisageable, avec de l’entraînement et beaucoup d’attention, de s’essayer à la confection d’un massacre – celui-ci étant d’ordinaire composé des bois et de l’os frontal de l’animal. Préalable dans tous les cas indispensable : « Les soins à apporter aux trophées doivent commencer dès que l’animal a été abattu, en évitant, en particulier, les chocs et les frottements pendant le transport. »

Aux lecteurs intéressés, invitation est donc lancée ! Rendez-vous sur le site de l’ANCGG : http://www.ancgg.org/commission-preparer.asp

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