Le bon, la brute et le mouflon

Publié le 01 mars 2019
Auteur Adrien Koutny
Depuis mon plus jeune âge, je suis fasciné par la montagne. J’ai toujours préféré le silence des chemins de randonnée aux plages occupées par des nuées de corps rouges et huilés. J’aime le défi physique qu’offrent les terrains escarpés. Je ne suis pas particulièrement sportif, mais quel bonheur de sentir le sang battre mes tempes, d’avoir la respiration saccadée et les jambes en feu. L’approche en montagne est pour moi la chasse la plus pure qu’il existe. La seule où le gibier part avec une falaise d’avance. La seule où j’ai l’impression de faire une quête extraordinaire, en dehors du temps. Mon cher ami Dominique, un Marseillais à l’accent chantant, m’a récemment donné la possibilité de chasser le mouflon sur le Mont Caroux, non loin de Béziers. Je vous raconte ces moments de joie intense, presque primitive.

Découverte des lieux

Arrivé dans l’obscurité, je suis une nouvelle fois séduit par le décor de notre épopée alors que le jour se lève. Notre gîte est au centre de Douch, un petit hameau où le four à pain public semble être l’attraction principale. Un générateur électrique ronronne. Le réseau connait une panne et EDF ne connait pas la cause.

Autour de nous, des moyennes montagnes. La végétation grisâtre se fond dans la rocaille et la brume. Il est 8 heures, notre guide nous rejoint au gîte. Robert a près de 70 ans et l’agilité d’un chamois. « Je fais ce métier depuis des décennies, m’apprend-t-il. Le tout, à mon âge, c’est de gérer les efforts. » Nous savourons un café que Rémi a ramené de Bosnie.

Dehors, le vent se mêle à la pluie dans un ensemble me rappelant l’été belge, convenant parfaitement aux batraciens. « Nous allons descendre dans la vallée. Avec une météo pareille, c’est inutile de chercher un mouflon par ici »,  dit Robert.

Une première occasion manquée

Nous voici assis dans l’imposant 4×4 de Rémi, une sorte de char d’assaut en vente libre. Au fur et à mesure que nous descendons, la météo se fait plus clémente. Après quelques minutes de piste, nous nous arrêtons. Je chambre une BXS, la nouvelle munition Browning sans plomb. Nous nous mettons en route, en marchant dans les pas de Robert.

Après une quinzaine de minutes de marche, Robert stoppe notre procession silencieuse d’un geste de la main. Face à nous, sur le sentier, à une quinzaine de mètres, deux mouflons. Une femelle et un beau bélier. Je veux épauler mais tel un débutant (que je suis), mon X-Bolt repose avec sa bretelle sur mon épaule. Le temps que je la prenne, les mouflons ont déguerpi dans les fourrés à nos pieds.

Je peste. « On aura d’autres occasions », me rassure Rémi. N’empêche, je râle. Et je repense à toutes les opportunités que j’ai manquées. « C’est le métier qui entre », me dit Robert.

La suite des recherches

Nous reprenons notre quête. Le sentier à flanc de montagne offre de temps à autres un beau panorama, lorsque la végétation est moins dense. A deux reprises, nous voyons des ombres courir entre les arbres. Hors d’atteinte.

Finalement, nous arrivons sur un versant rocailleux dégagé. Le paysage à nos pieds est majestueux. A perte de vue, la forêt. Au loin, le clocher d’une église se confond avec la cime des arbres. « Les mouflons viennent souvent chercher un rayon de soleil ici, soyez prêts », nous glisse Robert. Il prend la tête, je le suis, Rémi derrière moi.

Nous progressons lentement. Je n’ai pas acheté de nouvelles chaussures depuis ma chasse au chamois en Slovénie et à deux reprises, je vérifie les principes de la gravité terrestre. Soudain, Rémi me dit de m’arrêter. J’exécute, Robert n’entend pas et continue. A un peu plus de 200 mètres, quelques mouflons se détendent bien ancrés sur un roc. Robert les repère aussi et nous fait signe de le rejoindre un peu plus loin où un rocher nous offre une magnifique plateforme de tir.

Nous avançons lentement. Mais le gibier tant convoité disparait. « Le mouflon est l’animal de montagne avec la meilleure acuité visuelle, nous apprend notre guide. Ils peuvent te repérer facilement, même à 500 mètres. » Nous décidons d’attendre ici. Ce n’est pas pour me déplaire, je profite du panorama en pensant à mes collègues vissés devant leur écran d’ordinateur.

A près de 500 mètres, plusieurs mouflons paissent tranquillement. Nous décidons de ne pas les approcher. Le terrain est trop abrupt et découvert. Nous nous épuiserions pour rien. Sans compter que ramener le gibier s’annoncerait difficile, voire périlleux. Après une demi-heure non fructueuse, nous décidons de rejoindre Dominique au gîte pour casser la croûte.

Une diminution du nombre de mouflon dû au retour du loup 

Dominique n’est pas étonné que nous revenions bredouilles. « Ce matin vous avez eu une opportunité de tir, voire deux. Il y a quelques années, avant l’arrivée du loup, vous en auriez eu une dizaine », affirme-t-il. Un loup mange 5 à 7kg de viande par jour. Le mouflon est une proie de choix pour lui, imagine les dégâts. » Robert confirme et ajoute que les gibiers qui survivent à une attaque de loups sur le troupeau sont généralement tellement perturbés qu’ils cessent de se reproduire quelques temps.

« A terme, le loup va éradiquer les mouflons. Puis ils descendront et viendra le tour des chevreuils. Et pour finir celui des chiens. » Evidemment, les loups ne respectent pas les plans de chasse, n’en déplaise aux prétendus défenseurs de la nature peuplant majoritairement… les villes.

Une nouvelle tentative

Nous nous remettons en route. Au menu de cet après-midi, l’ascension d’un pic rocheux. Nous progressons à travers des châtaigniers apparemment fort prisés des sangliers. Étant légèrement malade, je peine un peu. J’ai l’impression de jouer de la cornemuse avec mes poumons. Nous continuons l’ascension. Nulle trace des mouflons. Le vent souligne le froid piquant. 

Nous arrivons finalement sur des hauts rochers. A nos pieds, un vide qui, en cas de chute, nous transformerait en polenta. Robert dit à Rémi de tenter sa chance ici et de choisir l’animal qui lui plait. Quant à moi, je suis notre guide quelques dizaines de mètres plus loin. Nous nous asseyons et nous enfonçons dans un long silence patient. Ils ne viendront pas aujourd’hui. Nous retournons auprès de Dominique alors que le soleil disparait lentement derrière les montagnes.

Une nouvelle journée

Je ne suis pas superstitieux, sauf à la chasse. En me réveillant, je me dis que je n’aurai plus d’opportunité de tir. J’ai la conviction que si vous galvaudez une chance, Saint-Hubert ne vous en offre pas de seconde. Peu confiant, j’enfile néanmoins mes maudites chaussures, celles-là même qui m’ont valu quelques plongeons à la Neymar.

Deux cafés serrés plus tard, Robert, Rémi et moi sommes dehors. Pas de voiture aujourd’hui. Le temps étant plus clément, nous allons monter au lieu de descendre. « Tu vas arrêter de fumer aujourd’hui, Koutny », me lance Dominique, avec un sourire en coin.

Nous commençons par un long raidillon en regardant bien où nous posons les pieds. Une branche qui craque pourrait annihiler toutes nos chances. Cette fois-ci, la carabine repose au creux de mes mains. Nous nous arrêtons sur un plateau pour donner quelques coups de jumelles. Rien. J’aperçois un poste d’affût. « Un super endroit pour les passées aux palombes », nous informe Robert. Je le crois aisément. Nous ajustons nos sacs à dos et reprenons la marche.

Au bout de l’effort

Une dizaine de minutes plus tard, nous arrivons sur une hauteur. Au loin, plusieurs mouflons. Cette fois, c’est la bonne ! Nous descendons un petit chemin escarpé aussi rapidement et silencieusement que possible. Une bête détale dans les châtaigniers à notre gauche. Sanglier ? Mouflon ? Impossible à dire.

Nous continuons à descendre. La vue se dégage. A 90 mètres, un superbe mouflon marche sur une crête. Probablement l’animal qui avait détalé à notre approche. Robert me presse de tirer. Debout, j’épaule instantanément avec la X-Bolt Carbon de Rémi. « Tire, tire, il va partir ! », me stresse-t-il. L’animal apparaît à peine dans la lunette que je presse la détente. Balle d’épaule, le mouflon s’effondre. Sur le dos, ses pattes battent dans le vide quelques instants. Avant de s’immobiliser à jamais. Si j’avais pris une seconde de plus, il aurait été de l’autre côté de la crête et c’était perdu. Je suis ravi de mon coup de carabine.

Rémi et moi ramenons le mouflon près du sentier avant de le cacher dans les buissons. De près, il est encore plus beau. Ses cornes reviennent presque au niveau des oreilles. Ne courant pas après les trophées, je suis malgré tout aux anges.

 

 

Au tour de Rémi

Mais pas le temps pour se congratuler. Il nous faut remettre le couvert pour Rémi ! Nous descendons encore. Ici, il n’y a que très peu d’arbres, nous marchons à découvert. La montagne est quasiment nue, décorée ici et là de roches et de bosquets de genêts. Alors que je me remets de mes émotions, j’entends Robert dire à Rémi : « Là ! Au fond sur les rochers, il y a tout un troupeau ». En effet, je compte environ 20 bêtes. Des femelles, des vieux mâles, des jeunes, toute la population est représentée. « Rémi, tu y vas et tu choisis l’animal qui te plait », dit Robert.

Rémi et moi voulons tenter une approche. Il faut faire vite et profiter de la colline nous séparant des mouflons pour avancer à couvert. Nous dévalons le long du sentier menant au pied de la colline. Au moment de grimper au sommet de la colline, je reste quelques mètres derrière Rémi. Je ne voudrais pas le gêner. Arrivé au-dessus, Rémi pose la X-Bolt Carbon sur son sac à dos. Quelques instants plus tard, une détonation résonne dans toute la vallée. Rémi vient de prélever ce qu’il pense être un jeune mâle. « Je tire plus pour la viande que le trophée », m’informe-t-il.

Un ADN pur et sain

Rémi et moi ramenons le mouflon auprès de Robert. Et nous sommes très surpris d’apprendre qu’il s’agit d’une femelle cornue et non d’un jeune mâle ! « Quand une population de mouflons a un ADN pur et sain, on y retrouve des femelles à cornes. Les mouflons du Caroux sont parmi ceux qui ont la génétique la plus propre de France », nous apprend Robert.

Alors que nous rentrons au gite pour prendre le 4×4 de Rémi et ramener nos mouflons, nous apercevons de grands oiseaux tournoyer dans le ciel. « Quand tu chasses dans le coin, les vautours ne sont jamais très loin. Ils espèrent que tu vides le gibier sur place. » Nous accélérerons le pas, je ne suis pas du genre à partager avec des vautours. Seulement des moments d’exception avec des amis exceptionnels.

Et vous, quelle est votre expérience de chasse au mouflon ? 

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